La subsidiarité dévoyée pour construire un empire mercantile par François SCHEWERER
- François SCHEWERER
- 1 avr.
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Parmi les principaux arguments qui avaient été mis en avant lors des discussions qui ont surgi à propos de la ratification du traité de Maastricht en date du 7 février 1992 figuraient en bonne place le recours à un principe de subsidiarité. Pour séduire une société qui n’avait pas encore renoncé à ses « racines chrétiennes », le président Jacques Delors n’hésitait pas à le présenter comme découlant de la Doctrine sociale de l’Eglise alors qu’il masquait mal un principe politique d’organisation fédérale issue de la philosophie des Lumières et de son application notamment en Allemagne. Par la suite, le traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 puis le traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 n’ont fait qu’accentuer cette dérive, mettant ainsi en œuvre la politique des « petits pas » inaugurée avant l’heure par la méthode Jean Monnet. Lorsque Jacques Chirac a refusé d’inscrire dans les traités européens la référence aux racines chrétiennes de l’Europe il a, par le fait même, achevé de consacrer la rupture entre la notion européenne de subsidiarité est celle développée dans la Doctrine sociale de l’Eglise qui, elle plonge ses racines dans la Bible, et plus précisément dans le livre de l’Exode, au chapitre XVIII.
Cette façon insidieuse de changer le sens et la portée des concepts acquis était porteuse d’une véritable révolution qui ébranlait jusqu’au fondement de toute civilisation aux racines judéo-chrétiennes. En effet, d’une part elle coupait la notion de subsidiarité de son fondement qui réside dans la capacité limitée de chacun et la complémentarité entre les hommes et, d’autre part elle inversait complètement le sens du rôle politique et social par rapport à celui qui est le sien dans la Doctrine sociale de l’Eglise. Si dans la Bible, et par suite dans la Doctrine sociale de l’Eglise, le principe de subsidiarité sert de fondement à une décentralisation des pouvoirs en donnant la liberté d’agir à ceux qui en ont la capacité, dans l’Union européenne, il sert de prétexte à une centralisation des pouvoirs au sein d’un organisme artificiellement créé et en dépouillant petit à petit des leurs « compétences » des Etats autrefois souverains. C’est pourquoi toute construction européenne qui laisse planer l’ambiguïté dans les concepts qu’elle affiche et qui serait en contradiction absolue avec le caractère fondamental des peuples européens, est inexorablement vouée à l’échec car, comme à Babel, les hommes ont beau se servir des mêmes mots, ils ne se comprennent pas. Un jour ou l’autre ils se disperseront.
Pour toute société qui plonge ses racines dans la Bible, l’homme n’est pas un simple individu mais une personne singulière créée libre, à l’image de Dieu. Or, à l’image de Dieu, l’homme est relation. Dès lors, l’homme précède la société, et la société, quelle que soit la forme organisationnelle qu’elle revête, est toujours un moyen au service de l’épanouissement total de l’homme ; c’est pourquoi au sein de toute institution humaine le pouvoir à quelque niveau qu’il s’exerce est de nature supplétive. Cette règle fondamentale s’applique à tous les échelons de toute organisation sociale.
Le principe de subsidiarité n’a toujours été compris que dans ce sens, au sein de tout système hiérarchisé. « La source de la vie sociale est la personne. Celle-ci s’épanouit dans une famille, un groupe socio-professionnel, une commune, un syndicat, une région, un Etat, et au-delà. L’Etat doit garantir que chaque niveau naturel ou contractuel (entreprises, collectivités publiques non étatiques) puisse développer ses virtualités au service du bien commun, et ne s’y substitue que le temps nécessaire pour restaurer leur autonomie. (…) L’autorité a pour mission d’aider les membres du corps social, non de les détruire ou de les absorber »[1]. Il en résulte que l’homme ne peut pas s’automutiler en réduisant lui-même sa propre dimension à la simple satisfaction de ses besoins matériels immédiats.
Le fondement même de ce principe de subsidiarité est de nature transcendante et repose sur le fait que tout homme, toute femme, est une personne et non un simple individu. Comme le répétait inlassablement saint Jean-Paul II, « dans la conception chrétienne de la société, on trouve toujours comme principe fondamental l’affirmation de la dignité inviolable de la personne »[2]. Nul ne peut dépouiller quiconque de cette qualité fondamentale.
Dans la construction européenne, telle qu’elle est poursuivie aujourd’hui, il n’en est rien. Le principe dit de subsidiarité ne sert qu’à sous-tendre un simple mode de gouvernance au service d’un projet fédéraliste mal cerné d’une société mercantile et matérialiste. Et les hommes politiques européens, oublieux de leurs racines, ne cherchent plus à utiliser ce principe de subsidiarité que comme un simple slogan qui leur permet de justifier leur soif de pouvoir et de gloire.
Les prémices bibliques du principe de subsidiarité
On trouve les prémices du principe de subsidiarité au chapitre XVIII du livre de l’Exode, versets 13 à 26 qu’il convient de rappeler ici. « Le lendemain, Moïse siégea pour juger le peuple, et le peuple se tint près de Moïse depuis le matin jusqu’au soir. Le beau-père de Moïse vit tout ce que celui-ci faisait pour le peuple, et il dit : Qu’est-ce que tu fais là pour le peuple ! Pourquoi sièges-tu seul, alors que tout le peuple se tient debout près de toi du matin jusqu’au soir ? Moïse dit à son beau-père : C’est que le peuple vient vers moi pour consulter Dieu. Lorsqu’ils ont une affaire, ils viennent vers moi ; je prononce entre les parties et je fais connaître les décrets de Dieu et ses lois. Le beau-père de Moïse lui dit : Ce que tu fais là n’est pas bien. Tu t’épuiseras certainement, et toi et ce peuple qui est avec toi ; car la tâche est trop lourde pour toi, tu ne peux l’accomplir à toi tout seul. Maintenant écoute mon appel ; je vais te conseiller, et que Dieu soit avec toi ! Toi, sois devant Dieu pour le peuple, et tu présenteras, toi, les affaires à Dieu. Tu les avertiras des décrets et des lois, et tu leur feras connaître la voie où ils doivent marcher et la façon dont ils doivent agir. Et toi, tu distingueras d’entre tout le peuple des hommes capables, craignant Dieu, des hommes sûrs, ennemis du gain, et tu les établiras sur eux comme chefs de mille, chefs de cent, chefs de cinquante et chefs de dix. Ils jugeront le peuple en tout temps ; toute affaire importante, ils te la présenteront, mais toute affaire mineure, ils la jugeront eux-mêmes. Allège ainsi ta charge ; qu’ils la portent avec toi ! Si tu fais cela et que Dieu te donne des ordres, tu pourras tenir, et ainsi tout ce peuple ira en paix dans son lieu. Moïse écouta l’appel de son beau-père et fit tout ce qu’il avait dit. Moïse choisit des hommes capables, d’entre tout Israël, et il les fit chefs de mille, chefs de cent, chefs de cinquante et chefs de dix. Ils jugeaient le peuple en tout temps ; l’affaire difficile, ils la présentaient à Moïse, mais toute affaire mineure, ils la jugeaient eux-mêmes ».
C’est bien un processus de « décentralisation » que Jethro propose à Moïse afin qu’il ne garde que la responsabilité de ce qui lui appartient en propre et que nul autre – seul ou en groupe – ne pourrait exercer à sa place. Il est d’abord et avant tout le médiateur entre Dieu et les hommes et donc le père de toute loi sociale ; celui qui assure l’unité du peuple de Dieu et veille au bien commun ; il est aussi celui qui conserve l’arbitrage suprême. S’il conserve ce que l’on appelle désormais les pouvoirs régaliens au sens strict, il délègue le reste à d’autres.
Il ressort de ce texte un certains nombres de leçons fondamentales :
- L’autorité se délègue par le haut, elle n’est pas concédée par le bas ; c’est Moïse qui délègue une parcelle de son autorité à des subordonnés qui deviennent alors les responsables d’autant de corps intermédiaires.
- Le but de toute autorité politique est l’unité et l’intégrité de la société dans la vérité et la justice, non la richesse matérielle immédiate de ses membres ou de certains d’entre eux.
- Les lois ont leur origine en Dieu et non dans le peuple ; lorsque le peuple se veut souverain il peut lui arriver de choisir ce qui est mauvais pour tous ou pour chacun, comme le montre l’affaire du veau d’or (cf. Ex XXIX).
- Les délégataires sont des hommes de confiance qui ne cherchent pas leur intérêt individuel et dont le rôle essentiel est d’exercer un pouvoir de justice sans pour autant entraver gratuitement et sans compensation l’action des autres. Ce sont donc des hommes pour qui il ne peut pas y avoir de droit sans morale.
- C’est Moïse qui fixe leur mission mais les laisse libres de choisir les moyens de la remplir (cela leur appartient en propre).
- Moïse, le chef suprême et le législateur au nom de Dieu, reste l’arbitre en dernier ressort.
Il ne s’agit donc pas de dépouiller des autorités existantes – qui tireraient leur pouvoir du peuple – pour centraliser leurs compétences à un niveau supérieur artificiellement créé, mais à l’inverse de soulager l’autorité supérieure réelle – venant de Dieu – en décentralisant une partie de ses compétences au profit de personnes de confiance. La notion de compétences partagées n’existe pas. Moïse n’impose pas à tous des règles tatillonnes uniformes mais leur confie la responsabilité de juger les actions de leurs subordonnés, de les coordonner et de les arbitrer non de leur imposer une conduite particulière.
Un principe rapporté à un simple mode d’organisation
Le principe de subsidiarité tel qu’il est employé dans le cadre de la « Construction » européenne est véritablement apparu avec le traité de Maastricht, même si des prémices existaient déjà dans le traité de Rome. En fait ce concept a été utilisé pour faire faire un « saut qualitatif » à l’Europe. Dans la pratique, le traité de Maastricht avait clairement pour objectif de faire avancer un peu plus vers une Europe fédérale, sans pour autant risquer d’affoler les populations encore attachées chacune à sa patrie. Le mot de Fédération ne devait pas être mis en avant car les peuples n’étaient pas « prêts ». Les gouvernements non plus. C’est ce qui a amené le président Macron à reconnaître dans son discours à la Sorbonne le 26 septembre 2017 : « les pères fondateurs ont construit l’Europe à l’abri des peuples ». Dès l’origine il existait un objectif non avoué à cette évolution, c’est qu’au terme du processus mis en œuvre aucune des entités constituantes ne pourrait plus se prétendre souveraine, au sein de ce qui était destiné à devenir les Etats-Unis d’Europe.
Cette organisation fédérale d’un empire qui n’avouait pas son nom reposait sur les idées politiques des philosophes des Lumières issus du monde protestant qui détachait notamment la politique de tout substrat théologique ou métaphysique. Tous avaient en commun de fonder l’organisation sociale sur un contrat entre des individus. Si le contrat était à la base de l’organisation sociale, on ne peut pas dire pour autant qu’il créait une véritable société puisque, purement abstrait, il ne prenait pas en compte la dimension relationnelle existant entre les personnes et voulue par Dieu ; il ne faisait qu’agglutiner des individus.
A l’origine de cette nouvelle philosophie politique rationaliste, en 1608, dans Politica Methodica Digesta, A.J. Althusius avait ouvert la réflexion en préconisant une organisation de l’Etat dans laquelle le peuple octroie au souverain le pouvoir maximal nécessaire tandis que chaque corps intermédiaire doit exercer les tâches pour lesquelles il est le plus compétent. Cette organisation apparaissait donc comme le fruit d’un renoncement volontaire des individus à l’une de leurs prérogatives principales, dans un but purement utilitaire. Contrairement à l’organisation proposée par Jethro à Moïse, la cause du pouvoir ne venait pas d’en-haut mais d’en bas ; pas de Dieu mais du peuple et d’un peuple réduit à un agglomérat d’individus.
Après lui, T. Hobbes, dans De Cive en 1642, avait clairement expliqué que dans toute société civile, « chaque particulier a soumis sa volonté à la volonté de celui qui possède la puissance souveraine dans l’Etat » afin, pensait-il, que soient sauvegardés la protection extérieur, la paix civile, l’enrichissement personnel et la liberté individuelle. Dans cette organisation sociale, ce n’est pas non plus une autorité supérieure qui délègue une part de ses compétences dans un système décentralisé mais à l’inverse l’individu qui se dépouille d’une partie de ses prérogatives au profit d’une entité qui centralise des pouvoirs dans le seul but d’une plus grande efficacité. Ainsi, l’accomplissement de l’homme n’est plus la cause ultime de l’organisation sociale mais c’est l’efficacité de celle-ci ; d’où le risque que l’homme, pourtant théoriquement souverain, ne soit réduit au rang de simple moyen.
Par la suite, dans son Traité du gouvernement civil, J. Locke, en 1690, pensait que « ceux qui entrent dans une société, remettent l’égalité, la liberté et le pouvoir qu’ils avaient dans l’état de nature, entre les mains de la société, afin que l’autorité législative en dispose de la manière qu’elle trouvera bonne et que le bien de la société requerra ; ces gens-là néanmoins, en remettant ainsi leurs privilèges naturels, n’ayant d’autre intention que de pouvoir conserver leurs personnes, leurs libertés, leurs propriétés, le pouvoir de la société ou de l’autorité législative établie par eux, ne peut jamais être supposé devoir s’étendre plus loin que le bien public ne le demande. Ce pouvoir doit se réduire à mettre en sûreté et à conserver les propriétés de chacun »[3]. Par la suite, dans le Second traité du gouvernement civil, il avait complété son analyse en cherchant à limiter l’absolutisme du pouvoir sans nuire à son autorité en préconisant le libre consentement donné par les citoyens aux détenteurs de l’autorité publique.
Ces diverses réflexions ont toutes en commun de ne pas fonder l’organisation de l’Etat sur la recherche du bien commun des citoyens mais d’en faire le fruit de la somme des volontés humaines poursuivant égoïstement un bien individuel. Dans la mesure où les citoyens ne sont pas des personnes en relation au sein d’une société mais de simples individus agglomérés en masse, l’Etat n’a pas à se préoccuper d’un quelconque bien commun ; il doit uniquement chercher à maximiser la somme des intérêts particuliers des membres de la masse.
Hobbes, le premier, considérait que le pouvoir absolu ne trouve pas son origine dans la relation de l’homme à Dieu ni dans celle de l’homme à l’homme – Hobbes élimine toute loi divine comme toute loi naturelle du fondement de toute organisation politique –, mais dans la faiblesse de l’homme : c’est parce que les hommes sont impuissants qu’ils créent un pouvoir absolu destiné à limiter leur faiblesse. L’exercice de la volonté des hommes en politique est dépendante des difficultés qu’ils rencontrent à un moment donné ; les lois qu’ils se donnent n'ont donc aucun caractère transcendant. Qu’on les rattache à Hobbes ou à Locke, à travers le mythe du contrat social, ces lois sont tout autres qu’objectives : elles appartiennent à l’homme et sont imposées par sa nature limitée. Elles sont les attributs d’un pouvoir individuel, absolu dans son origine ; elles constituent des facultés à disposer de soi-même et de ses biens de la manière la plus totale. Il en résulte une conséquence fondamentale : si dans la Doctrine sociale de l’Eglise, le principe de subsidiarité est un principe transcendant ordonné à l’épanouissement de la personne libre vivant en société, dans la théorie hobbesienne il devient un principe immanent d’organisation, fondé sur la seule poursuite de l’objectif en vue duquel les individus ont passé un Contrat social. Dans la Doctrine sociale de l’Eglise, le principe de subsidiarité est relatif à l’homme alors que dans la théorie hobbesienne il est pragmatiquement ordonné à l’organisation sociale.
Une mise en œuvre calquée sur le modèle allemand
Lors de la signature du traité de Maastricht les commentateurs ont bien compris que le modèle politique proposé pour l’Europe trouvait sa source dans le fédéralisme que les Etats-Unis avaient imposé à l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale et où, en application des théories de Georg Jellineck, le souverain est seul titulaire de « la compétence de la compétence ».
Ce n’était d’ailleurs là que l’aboutissement d’un projet nettement réfléchi : « C’est pour ancrer l’Union dans une finalité nettement fédéraliste que le projet Spinelli [adopté en 1984 par l’Assemblée de Strasbourg] renversait le système [de subsidiarité] en faisant des Etats les autorités subsidiaires de l’Union, sur le modèle constitutionnel allemand où, après avoir affirmé la compétence de principe des Länder (art. 30), la loi fondamentale donne la liste des domaines réservés exclusivement à l’Etat fédéral – le Bund – (art. 73) et une série de compétences concurrentes entre les deux ordres de gouvernement où le Bund a toujours la priorité sur les Länder (art. 74) puisque le droit fédéral prime le droit du Land (art. 31) »[4].
C’est bien sur ce schéma qu’a été élaborée l’organisation de l’Union européenne, sauf que celle-ci, étant réputée en construction, considère qu’elle doit étendre peu à peu ses compétences au détriment de celles des Etats membres. Sous prétexte que ses décisions sont plus efficientes. D’un système dans lequel l’autorité supérieure confie à des autorités subalternes tous les pouvoirs qu’elles peuvent exercer, on est passé à la justification de l’instauration d’une autorité supérieure qui n’existait pas auparavant et qui dépouille les autorités devenues subalternes des pouvoirs qui étaient les leurs jusque-là.
Une organisation politique dans laquelle le pouvoir central jouit seul de compétences exclusives toujours plus étendues et où les pouvoirs périphériques exercent, avec le pouvoir central, des compétences partagées dont le transfert progressif à ce dernier est simplement tempéré (parfois justifié) par un principe dit de subsidiarité, s’apparente à l’unification par le droit d’un empire dans lequel les instances nationales sont peu à peu dépouillées de tous les attributs de leur souveraineté pour ne plus conserver que des compétences résiduelles, supplétives et conditionnelles.
Nous sommes ici très loin de la notion de subsidiarité telle qu’elle ressort de la Doctrine sociale de l’Eglise : c’est parce que les hommes « sont des personnes, c’est-à-dire des êtres doués de raison et de volonté libres et, par suite, pourvus d’une responsabilité personnelle »[5] qu’ils ont le droit « d’exprimer au niveau social ce qu’ils ont de plus profond en eux »[6]. Appliqué à l’ordre politique, le principe de subsidiarité conduit l’Etat et plus encore toute entité supra-étatique, à créer les conditions favorables au libre exercice par chacun, individuellement ou en groupe, des responsabilités qui lui incombent.
Pour la Doctrine sociale de l’Eglise, le principe de subsidiarité relève de l’anthropologie et non de la seule pratique politique. Pour elle, le principe de subsidiarité ne saurait donc être réduit à un simple mobile du transfert d’une responsabilité d’une entité à une autre, aussi digne soit cette dernière et aussi efficient soit ce transfert, même si c’en est une raison. Pour la Doctrine sociale de l’Eglise, le principe de subsidiarité découle certes du fait que l’autorité supérieure ne peut pas tout assurer mais il suppose aussi que cette autorité supérieure fasse confiance à tous les corps intermédiaires qu’elle suscite pour le bien commun de tous. C’est en fonction de l’homme que la société est organisée. Si, dans la Doctrine sociale de l’Eglise le principe de subsidiarité est indissociable des principes de participation et de solidarité, dans le cadre de l’organisation politique de l’Europe, il n’est lié qu’aux principes de proximité, de proportionnalité et d’efficacité.
Des Etats qui ont abdiqué leur souveraineté
D’un point de vue strictement politique, on peut se demander comment l’évolution actuellement constatée a été possible. Il semble que la réponse se trouve dans le fait que les Etats membres ont parallèlement et sans l’avouer, renoncé à leur souveraineté pour l’exercice d’une simple « gouvernementalité » telle que l’expliquait Michel Foucault dans son cours au Collège de France dans les années mille neuf cent soixante-dix. Il y opposait « la souveraineté, fondée sur le respect de l’ordre établi conforme aux lois que Dieu a imposées à la nature et aux hommes, et l’art du gouvernement qui consiste à trouver la droite disposition des choses, la manière juste de les ordonner en vue de les conduire à une fin convenable pour chacune des choses qui sont à gouverner »[7]. Cette gouvernementalité devait engendrer ce que l’on appelle la gouvernance qui n’est plus l’art de diriger une société mais l’administration des choses. Or, si l’essence de la souveraineté réside dans la recherche du bien commun par l’obéissance à la loi, celle de la « gouvernementalité » se réduit à la recherche de la meilleure façon d’atteindre une pluralité de buts spécifiques ponctuels, disjoints, tels que l’amélioration de la production des richesses ou encore la libre circulation des biens, des services, des hommes et des capitaux. Dans une telle organisation, la subsidiarité n’a pas sa place, comme l’a expliqué Pierre Manent : « Gouvernés par ces instruments de gouvernance et non de gouvernement, les peuples européens deviennent les instruments de leurs instruments, la matière mécontente mais docile d’un empilement de gouvernances qui, de la commune aux Nations unies, ont pour unique propos de prévenir toute action individuelle ou collective qui ne serait pas la simple application d’une règle de droit »[8].
Si la « gouvernementalité » permet de gérer des problèmes collectifs à un moment donné, et non pas d’organiser la vie des sociétés, on conçoit aisément que toute loi puisse devenir précaire et qu’elle soit de plus en plus tatillonne. En effet, elle n’a plus à fixer les normes pérennes et les limites stables dans lesquelles peut s’exercer la liberté de chacun, elle doit simplement suivre l’évolution des mœurs pour la rendre supportable ; elle n’a plus à fixer des repères pour l’ensemble des membres de la société car elle devient un simple instrument au service de ceux qui exercent le pouvoir pour leur permettre d’atteindre les objectifs ponctuels qu’ils se sont fixés. Enfin, si un souverain est toujours comptable devant son peuple et devant Dieu, de la façon dont il exerce cette souveraineté, l’homme politique qui exerce une certaine « gouvernementalité » peut, autant que cela lui paraît opportun, accepter tout transfert de compétence et tout abandon de responsabilité.
Sans que les responsables politiques n’y trouvent à redire, le traité de Maastricht a pu faire prendre à l’Europe un virage important par rapport à la Communauté instituée par le traité de Rome qui, cependant, reposait déjà sur « un postulat implicite : l’atténuation progressive des identités nationales »[9]. Comme ce processus semblait ne pas avancer assez vite, il fut décidé d’accélérer le mouvement vers « plus d’Europe », ce qui supposait de « casser les nations par le bas »[10]. C’est bien pourquoi fut mise en avant la notion d’Europe des régions en s’appuyant sur ce qui était alors l’article A du traité de Maastricht : les décisions doivent être prises « le plus près possible du citoyen ». Pour les rédacteurs du traité, le raisonnement était simple : la région est réputée plus « proche » de chaque citoyen[11] qu’un Etat central, lequel paraît toujours trop éloigné et anonyme.
En février 2001, François Bayrou a confirmé cette façon d’envisager l’Union européenne qui bannit les nations quand il a écrit dans L’Expansion qu’il fallait réorganiser les institutions autour de trois pôles de compétences : « de proximité, d’aménagement du territoire et régaliennes. Les compétences de proximité seraient exercées par les communes, fédérées en structures intercommunales pour traiter tous les problèmes qui imposent une taille suffisante. Les compétences d’aménagement du territoire seraient exercées par les régions qui fédéreraient les départements actuels. Les compétences régaliennes seraient exercées par l’Union européenne, qui fédère d’ores et déjà les Etats ». Dans ce plaidoyer pour l’Europe des régions le mot « fédérer » – qu’il n’était plus la peine de dissimuler comme en 1992 – revient comme un refrain sans que, pour autant, il ne soit vraiment défini. Il recouvre des réunions d’institutions qui ne sont pas de même nature ni de même portée. Mais c’était une façon d’habituer l’opinion publique à la disparition des nations souveraines au profit d’un véritable empire fédéral. En liant le principe de subsidiarité à celui de proximité on justifiait un autre dessaisissement des pouvoirs de l’Etat, cette fois au profit des régions. Et la Nation se trouvait ainsi prise en tenaille entre la région et l’Union. Dans un monde marqué par l’individualisme on ne trouve plus en présence l’un de l’autre l’individu et l’Etat, comme le dénonçait le pape Pie IX dans Quadragesimo anno (§ 85), mais l’individu et une Europe matérialiste et technocratique.
L’application du principe de subsidiarité en Europe
Le Parlement européen quant à lui a utilisé le principe de subsidiarité pour la première fois dans la séance du 11 février 1994 au cours de laquelle il a eu à se prononcer sur la question de la lutte contre la criminalité en Europe. Cette référence au principe a été importante car étant une première mise en œuvre, elle a constitué un précédent qui a ensuite été repris chaque fois qu’un conflit de compétences est apparu au sein de l’Union. Le point 10 de la résolution alors adoptée est révélateur du jeu que l’on voulait faire jouer au dit principe de subsidiarité. Pour les Parlementaires européens, la lutte contre la criminalité devait être enlevée aux Etats membres pour être confiée à l’Union parce que « les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ». La seule justification qu’ils ont avancée pour expliquer la compétence de l’Union est, que tout citoyen de l’Union a « le droit de circuler librement et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ». Et, en l’occurrence, cette liberté concerne aussi les criminels !
Le traité de Lisbonne – suivi en cela par le traité d’Amsterdam – a intégralement repris les principales dispositions relatives au principe de subsidiarité, en leur donnant une portée encore plus large qu’auparavant de façon à faire progresser l’Europe dans un sens toujours plus intégré et uniforme. Ainsi, les anciens traités acceptaient encore que « l’Union respecte l’identité nationale des Etats membres dont les systèmes de gouvernement sont fondés sur les principes démocratiques ». La rédaction de cet article a été remplacée par une autre qui ne ménage même plus « l’identité nationale des Etats membres » ; celle-ci a été gommée. Désormais, cet article de base est devenu : « L’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que sur l’état de droit, principes qui sont communs aux Etats membres ». Cet article est important puisque c’est celui qui prévoit dans quel cadre l’Union respecte le principe de subsidiarité. Or, le quatrième alinéa de cet article précise que « l’Union se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et mener à bien ses politiques ». C’est donc l’Union qui est d’ores et déjà reconnue comme exerçant la souveraineté et qui, en « se dotant » des moyens nécessaires, initie un mécanisme de centralisation. Le principe de subsidiarité n’est quant à lui explicitement évoqué que dans une longue liste des « protocoles » qui accompagnent le traité d’Amsterdam et qui édictent des « dispositions impératives ».
Dès avant la rédaction actuelle des textes européens, mais après la signature du traité de Maastricht, en France la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait accepté cette vision dans un arrêt du 20 octobre 1998 : « il résulte de la jurisprudence de la CJCE (Simmenthal, 9 mars 1978) que serait incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit communautaire toute disposition d’un ordre national ou toute pratique législative, administrative ou judiciaire, qui aurait pour effet de diminuer l’efficacité du droit communautaire ». Le Conseil d’Etat avait eu le même type de réaction le 30 octobre 1998 en constatant que, la suprématie conférée aux engagements internationaux par l’article 55 de la Constitution française « ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle ». Il ne faisait que tirer solennellement les conséquences, vingt-huit ans après, de la décision de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 décembre 1970 (International Handelsgeselleschaft) : « l’invocation d’atteintes portées, soit aux droits fondamentaux tels que formulés par la constitution d’un Etat membre, soit aux principes d’une structure constitutionnelle, ne saurait affecter la validité d’un acte communautaire ou son effet sur le territoire d’un Etat ». C’est bien en vertu de ces principes qu’il est apparu aux Pouvoirs publics que « la seule façon de transcrire les règlements communautaires dans la loi française est de modifier la Constitution chaque fois que nécessaire »[12]… et surtout sans soumettre ces modifications à référendum ! On est ainsi passé insidieusement d’une démocratie dans laquelle le peuple votait la Constitution à une oligarchie dans laquelle les fonctionnaires de la Commission européenne établissent les normes juridiques qu’approuve le Conseil européen et qu’applique la Cour de justice de l’Union européenne dans l’ensemble des Etats membres… et cela au nom du principe de subsidiarité !
Parmi les dispositions impératives toujours en vigueur on trouve aussi la règle qui impose aux Etats membres de prendre « toute mesure propre à assurer l’exécution des obligations qui leur incombent en vertu du traité et en s’abstenant de toute mesure qui risquerait de compromettre la réalisation des objectifs du traité ». Cette disposition, en imposant aux Etats membres de conformer leurs actions à des règles générales communautaires, annihile purement et simplement leur souveraineté et les fait donc disparaître en tant qu’Etat sauf à accepter la doctrine juridique allemande selon laquelle, « bien que non souverains, les Etats fédérés n’en constitueraient pas moins de véritables Etats, disposant d’un pouvoir de contrainte et d’« auto-organisation » ; le véritable critère de l’Etat serait ainsi la « puissance de domination » (Herrschaft), qui pourrait être éventuellement limitée par une puissance supérieure. Une distinction sera ainsi établie entre la « souveraineté-indépendance » (Souveränität) et la « souveraineté-puissance » (Staatsgewelt), thèse qui sera reprise par Carré de Malberg ; cette dissociation ne saurait cependant emporter la conviction, dans la mesure où il manque aux Etats fédérés certains des attributs essentiels de l’Etat »[13].
Le dévoiement du principe de subsidiarité au nom d’une efficacité économique
Le principe de subsidiarité tel qu’il est présenté et appliqué par l’Union européenne, et tel qu’il est accepté par les Etats membres, n’a plus rien à voir avec les développements du pape Pie XI dans Quadragesimo anno[14]. Faisant abstraction du fait que les Etats européens précèdent leur union – et non l’inverse –, il légitime d’abord les pouvoirs exclusifs de l’Union européenne, puis les pouvoirs qu’elle juge utile pour atteindre les objectifs qu’elle a fixés, en fonction des circonstances qu’elle évalue. De plus ce principe de subsidiarité ne donne qu’une simple « orientation » et doit être apprécié de façon « dynamique ». Cette disposition impérative consacre l’utilisation du principe de subsidiarité pour étendre les pouvoirs d’une autorité supérieure en devenir au détriment de ceux des autorités subordonnées qui, elles, existent depuis longtemps.
C’est en particulier en appliquant strictement les arguments de la dimension de l’action et de l’efficacité économique que l’Union européenne a négocié seule le marché des vaccins contre la COVID 19 alors même que les questions de santé publique n’entrent pas dans son champ de compétence. Ceci trahit le fait que l’organisation politique de l’Union européenne n’est pas voulue en fonction de la dignité intrinsèque de l’homme ni même en vertu de la poursuite du bien commun mais uniquement dans le but d’obtenir une certaine efficience économique. Ce n’est pas le bien commun de la société que vise à assurer l’Union européenne mais l’efficacité économique de la masse des individus qui y sont rassemblés et s’y côtoient. Ce n’est pas la santé des citoyens qui a conduit la Commission à dessaisir les Etats membres des compétences qui leur étaient propres mais la recherche d’un profit économique dans la négociation d’un contrat le plus large possible.
Un autre exemple récent de cette vision européenne du principe de subsidiarité est illustré par la négociation de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur. En effet, au nom de la conception européenne du principe de subsidiarité et pour atteindre l’objectif de liberté absolue du commerce, l’Union européenne se considère comme seule compétente – car plus efficace en vertu de l’importance du marché – pour signer un tel accord alors que le principe chrétien de subsidiarité imposerait que chaque pays puisse librement décider de ce qui est bon pour la santé des consommateurs nationaux (animaux forcés aux antibiotiques, céréales OGM, etc. ou non) et de ce qui est indispensable pour permettre à une partie importante de la population (agriculteurs…) de vivre de son travail. Ici aussi l’efficacité économique de la masse d’individus l’emporte sur la santé des personnes et sur la capacité de chacun de gagner sa vie à la sueur de son front, ainsi que sur la libre participation des citoyens à l’orientation de la vie publique.
Dans ces deux exemples, l’Union européenne privilégie la libre circulation des biens et services par rapport au bien commun des populations. La morale, relative aux personnes, est réduite à une dimension individuelle, privée. Elle est perçue comme facultative pour les autorités publiques et elle s’efface devant une « morale » relative aux biens qui, elle, se veut universelle et impérative. Ce n’est qu’une façon de ruiner totalement la morale car cela lui enlève toute portée sociale et la cantonne dans un domaine purement privé. Or, lorsque la mentalité discrédite « la morale comme activité personnelle à retentissement social dans le domaine des biens matériels, la morale perd une grande part de son crédit dans les consciences »[15].
Nous assistons à un détournement complet du sens qu’il faut donner au principe de subsidiarité, détournement dont les partisans d’une Fédération européenne assument la mise en œuvre par une méthode insidieuse : « Pendant plusieurs décennies, la construction européenne a eu pour principale référence fondatrice la « méthode Monnet-Schuman » qui est en réalité une stratégie de contournement de l’intégration politique : il s’agissait, par une démarche de petits pas, d’intensifier progressivement un réseau de solidarités concrètes, en évitant soigneusement d’aborder de front la question de l’intégration politique. (…) Le non-dit de cette méthode consistait à considérer que la quantité finirait par se changer en qualité, et que l’intégration politique naîtrait spontanément de l’intensification de l’intégration économique »[16]. Dans un processus de type orwellien, la référence au principe de subsidiarité n’était donc qu’un moyen de faire avancer cette intégration politique et non de consolider une décentralisation des pouvoirs en fonction de ce que chacun est capable d’assumer.
Cette inversion du sens des mots dépasse largement la seule justification d’un système européen décentralisé se réclamant du principe de subsidiarité hobbesien pour atteindre tous les concepts politiques et sociaux, tous les discours publics. « L’Etat historique – à l’intérieur des frontières de l’UE – se transforme de fait en Etat subsidiaire ; il est le relais local d’un processus supérieur, chargé notamment d’une tâche nouvelle – radicalement contraire à sa fonction originaire – ouvrir les frontières, les maintenir ouvertes, là où l’Etat de souveraineté avait pour tâche première de les fermer, gardant la clôture de son territoire »[17]. Le principe de subsidiarité est utilisé pour justifier le dessaisissement des Etats membres de leur responsabilité au profit de la construction d’un empire mercantile ouvert au monde entier.
Le 30 juillet 1992, le père Galtier se demandait dans La Croix si la façon de construire une Union européenne artificielle ne conduirait pas à remplacer dans l’esprit de chacun, un principe métaphysique qui plonge ses racines profondes dans la vérité transcendante par un souci pragmatique contingent ce qui aboutirait à ravaler la religion au rang d’une simple éthique au demeurant passagère et fluctuante. Il semble bien que trente-deux ans après, la réponse ait été apportée. L’Europe s’est coupée de ses racines chrétiennes. Mais tout être vivant qui est coupé de ses racines meurt et disparaît rapidement, sauf à être greffé sur de nouvelles racines qui le transforment entièrement de l’intérieur. On peut donc légitimement se demander si les nouvelles racines du principe européen de subsidiarité ne seraient pas ainsi devenues, au service d’un empire mercantile en voie de mondialisation, une arme de déconstruction des Etats. Comme toute autre perversion du sens des mots et des expressions[18] elle risque aussi de devenir une arme de déchristianisation massive.
[1] R. Minnerath, « Doctrine sociale de l’Eglise et bien commun », Beauchesne, 2010, p. 36, 37.
[2] Au Cardinal Trujillo, février 1985.
[3] Chap. IX, point 131.
[4] J.B. d’Onorio in « La subsidiarité, Colloque national des juristes catholiques de France, Paris, 13-14 décembre 1986 », Téqui, p. 30.
[5] Vatican II, Dignitatis Humanae.
[6] Discours de saint Jean-Paul II à l’Union internationale des avocats, 9 mars 1991.
[7] Cf. C. Hannoun, « Le droit et les groupes de sociétés », LGDJ, 1991, p. 24.
[8] « La raison des nations, Réflexions sur la démocratie en Europe », Gallimard, 2006, p. 58.
[9] G. Sarre, La Tribune, 17 février 2000.
[10] G. Sarre, La Tribune, 17 février 2000.
[11] L’article 8 du traité instituait une citoyenneté européenne artificielle en déclarant citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité de l’un des pays membres, mais il s’agissait là d’un détournement du sens du mot « citoyen ». A l’inverse des personnes habitant dans un département d’Outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Mayotte, Guyane) les ressortissants des Territoires d’Outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon), ne sont absolument pas considérés comme des citoyens européens. Si Mayotte est un département français et un Territoire ultrapériphérique de l’Europe, le droit français ne s’y applique cependant pas dans de nombreux secteurs, étant écarté au profit d’un droit coutumier. La notion de citoyenneté n’est plus reliée à un statut juridique imposant des devoirs et ouvrant des droits particuliers, mais uniquement à un lieu d’habitation. Ce faisant, on « déconstruisait » aussi consciemment la notion de citoyen comme l’a expliqué A. Mattera dans la Revue du Marché unique européen, n° 3/98, p. 15 et suivantes.
[12] F. Guillaume, « La Constitution en péril », Le Figaro, 17 août 1999.
[13] J. Chevallier, « L’Etat », Dalloz, 1999, p. 33.
[14] « On ne peut enlever aux individus, pour les transférer à la communauté, les attributions qu’ils sont capables d’exercer de leur propre initiative et par leurs propres moyens. Ce serait commettre une injustice et mettre en péril l’ordre social que d’ôter aux groupes de niveau inférieur pour les conférer à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils peuvent exercer individuellement.
Que l’autorité publique abandonne donc aux groupements de rang inférieur le soin des affaires de moindre importance où se disperserait à l’excès son effort ; elle pourra dès lors assurer plus librement, plus puissamment, plus efficacement les fonctions qui n’appartiennent qu’à elle, parce qu’elle seule peut les remplir, diriger, surveiller, stimuler, contenir selon que le comportement, les circonstances ou la nécessité l’exige » (n° 86).
[15] Marcel Clément, « Le sens de l’histoire », NEL, 1958, p. 56.
[16] Avant-propos au numéro 8 hors-série des Etudes du Mouvement européen, consacré à « la pensée fédéraliste et la construction européenne », octobre 1998, p. 9.
[17] G. Mairet, « Qu’est-ce que la souveraineté ? », Folio, 2024, p. XXVII.
[18] « Interruption volontaire de grossesse », « mariage pour tous », « aide à mourir »…
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