Opinion internationale est un media internet dirigé par Michel Taube.
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Les Français estiment les maires.
Dans chaque commune nos concitoyens connaissent leur maire. En un mot, le maire est une autorité de proximité, accessible, que l’on peut « engueuler », ce qui n’est pas une marque d’hostilité, bien au contraire. On le touche, il guérit les écrouelles.
Une petite histoire illustrera mon propos :
« C’est un gaulois réfractaire qui rencontre son maire en ville, il commence à vitupérer contre lui, bref à « l’engueuler ». Rentré chez lui, très fier, il dit à sa femme : « J’ai rencontré le maire, Ah qu’est-ce que je lui ai mis ! ». Sa femme lui dit alors : « C’est très bien mon ami, mais fais la vaisselle ! » Sans commentaires...
Les Français ont une bonne opinion de leur maire ; mais les maires ont ras-le-bol des contraintes que le Gouvernement leur impose. Je me félicite que l’on puisse en débattre à l’occasion des élections présidentielles.
Il ne s’agit pas de faire campagne pour tel ou tel candidat, mais de dégager les points, les domaines qui soulèvent des difficultés dans la gestion municipale et qui concernent tous les maires.
Aux termes du fameux article 72 de la Constitution, « les collectivités s’administrent librement par des conseils élus », mais ce principe est précédé de la mention « Dans les conditions prévues par la loi ». Aujourd’hui cette dernière mention l’a largement emporté sur la liberté d’administration des collectivités.
Passons en revue ces contraintes.
1° : la démultiplication des rapports en tout genre à élaborer
- Rapport égalité hommes-femmes
- Lignes directrices de gestion pour le personnel
- Etat des indemnités des élus
- Rapport social unique
o gestion prévisionnelle des effectifs
o parcours professionnel
o formation
o lutte contre les discriminations
o amélioration des conditions et de la qualité de vie au travail
- étude de sécurité pour les grosses opérations
- Analyse des Besoins Sociaux (ABS)
- Schéma directeur eau et assainissement
- Rénovation énergétique habitat au niveau de l’agglomération en concertation avec le Département
A cela s’ajoute l’obligation de digitalisation des informations municipales, ce qui exige la création d’un poste d’agent chargé de l’accès aux services publics.
Ces rapports sont, certes, individuellement pour la plupart intéressants et légitimes mais c’est une avalanche de rapports que la municipalité doit établir.
Dernier rapport que je veux citer, le Projet Educatif Territorial (PEDT) destiné à la Caisse des Allocations familiales pour que la commune puisse bénéficier de ses subventions.
Ce projet, usine à gaz, exige de collecter de multiples informations de détails pour justifier « vivre ensemble, savoir écouter, collaborer, s’affirmer, accepter les différences et la diversité des cultures...». Franchement, les agents n’ont pas besoin de cette sorte guide de l’âne pour faire leur travail !
2° Les transferts de charges aux collectivités locales
On assiste au retrait de l’Etat dans tous les domaines
•CNI, passeports : les maires travaillent pour l’Etat
•Urbanisme : les autorisations d’occupation du sol sont toutes gérées par le maire dans le cadre du PLU (plan local d’urbanisme)
•Police nationale : là où nous avions un commissaire par ville, aujourd’hui le commissaire gère 5 villes.
•Construction de logements sociaux : c’était, jadis une compétence d’Etat
o La Loi Gayssot (13/07/1990) exige des villes 20% de logements sociaux
o La Loi Duflot (01/01/2013) porte cette exigence à 25%
o La Loi ELAN (13/10/2018) renforce les contraintes
Désormais, l’Etat impose la cotation des demandes de logement sociaux et oblige à renseigner le parcours des demandeurs de logements sociaux. De plus, l’Etat passe outre le choix des maires ou n’informe pas les maires des populations affectées dans les logements sociaux.
C’est méconnaitre les enjeux de sécurité et les problèmes de voisinage.
La solution commande une réforme totale de la loi SRU et impose de rétablir l’aménagement du territoire : des centaines de milliers de logements sociaux sont vacants en province !
3° Le garrot financier
Les charges des villes augmentent, mais leurs ressources baissent.
- Baisse de la DGF :
Le Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) n’est pas une subvention. Elle a été introduite pour compenser la suppression de la Taxe sur les Salaires, or cette dotation n’a eu de cesse de diminuer de manière drastique ces dernières années.
- Suppression de la Taxe d’Habitation (TH)
La Taxe d’Habitation payée par tout occupant de son logement, propriétaire ou locataire, a été supprimée par Emmanuel Macron. « Monsieur le Président, vous supprimez un impôt qui n’est pas le vôtre ! » lui a lancé François Baroin, alors Président de l’Association des Maires de France.
Cette suppression est une escroquerie, car les locataires ne payeront plus d’impôts à la ville, là où ils vivent. On supprime aussi la redevance télévisuelle car elle était « assise » sur la TH.
Dorénavant, seuls les propriétaires vont payer des impôts locaux, ce qui représente une inégalité fiscale scandaleuse.
- Rapport d’orientation budgétaire : de plus en plus pointilleux, il est obligatoire avant le vote du budget annuel.
Le résultat de l’ensemble de ces mesures est simple :
Il y a 15 ans, les collectivités territoriales assuraient 72% des investissements publics, aujourd’hui ce taux est tombé à environ 55%.
La baisse des ressources fiscales se traduit par la baisse des investissements publics communaux.
C’est là une politique de gribouille !
C’est la même chose pour les impôts de production à l’échelle des communautés d’agglomération.
4° L’autorité du maire remise en question
Il y a certes des violences envers les maires, hélas en nombre croissant, la justice les sanctionne.
En revanche, ce qui est en cause aujourd’hui est le respect des arrêtés du maire et la sanction des violations.
Le maire est une autorité administrative, et prend des arrêtés pour réguler la vie de la cité.
Ainsi, en matière de police de la circulation, quiconque se rend passible d’un excès de vitesse, roule en sens interdit encourt une sanction, une amende infligée par la police municipale, le retrait des points du permis de conduire. En règle générale, la violation des arrêtés du maire en matière de circulation routière est sanctionnée par l’Etat.
De même, toute occupation des sols fait l’objet d’une demande et d’une autorisation, qu’il s’agisse d’une déclaration préalable de travaux, d’un permis de démolir, ou d’un permis de construire.
Quid de la sanction, s’il y a violation de l’autorisation délivrée par le maire ?
La première étape du processus est simple :
La violation fait l’objet d’un constat avec huissier ou agent assermenté, une lettre recommandée est envoyée pour demander à rétablir la légalité et respecter les dispositions du permis de construire.
Mais si le contrevenant refuse de se plier à la réglementation, la machine s’enraye : la municipalité saisit le Procureur et là...on aboutit au classement sans suite dans 99% des cas transmis au Procureur. La Justice plaide le manque de moyens et se concentre sur les affaires de délinquance plus problématiques.
5° La police, la sécurité en ville
La police Municipale est devenue une force supplétive de la Police Nationale. La montée en puissance de la Police municipale est une nécessité face au retrait de la Police Nationale qui laisse nombre de tâches, telles l’établissement des cartes d’identité, la surveillance du stationnement à la charge des Villes.
Les Villes font l’acquisition des caméras de vidéosurveillance que la Police nationale réquisitionne régulièrement pour obtenir des preuves.
*
Le Maire est le premier guichet de l’Administration avec un grand A.
Tous nos concitoyens se tournent vers lui lorsqu’ils rencontrent des problèmes.
On voit aujourd’hui qu’il perd pied :
- Il est surchargé de travaux inutiles
- Il perd la compétence fiscale et n’a plus bientôt les moyens pour investir et assurer la pérennité des services publics qu’il doit assumer
A l’autre bout de la chaîne, en préfecture, le dépérissement de l’Etat est manifeste; le préfet peine à répondre aux demandes des maires qui sollicitent des conseils juridiques ou des renforts de Police.
Le même constat vaut pour la Justice qui ne suit plus, et se trouve victime de la judiciarisation de la société.
La solution impose d’accentuer l’effort de décentralisation et de déconcentration :
Il importe de :
- renforcer la capacité financière et budgétaire des communes
- renforcer les moyens des préfectures et de l’autorité judiciaire
C’est sur le socle de ce couple Préfet-Maire que l’administration territoriale peut retrouver confiance, sérénité et efficacité - comme la crise sanitaire du covid-19 l’a montré.
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